Anna
Bleu. Tout est bleu. Les lumières, les reflets, les ombres : indigo, cyan, cérulé, écla-tant, sombre, presque noir ; éclats moirés, chatoiement de milliers de bulles mi-nuscules et argentées. Les ondulations dévoilent leur mélancolie profonde et si-lencieuse, dessinent des courbes aux mouvements gracieux ; se mêlent, s’éloi-gnent, se recroisent en volutes voluptueuses. Anna, fascinée, prend une nouvelle respiration et replonge. Les sons s’estompent ; les nageurs, dans la piscine, vont et viennent, entourés de l’entêtant silence de l’immersion.
Blanc. Comme ces corps, si pâles, dans la lumière parfois claire, parfois turquoise des halos luminescents. Comme sa peau, frissonnante. Son cœur. Sa chair. Son âme.
Rouge. Comme les bouées des filets tendus dans le bassin, ou la douleur qui l’é-cartèle ce soir : rouge de rage, de colère. Bleu de la tristesse quand elle ne s’éloigne plus, blanc de la souffrance. Anna, happée par la beauté d’une couleur infinie, dis-tingue, à travers la surface, les images déformées d’une vie dont elle ne veut plus. Bleu, comme un adieu. Elle émerge de l’eau, à court de souffle.